Entente et amitié : L'époque insoupçonnée des relations israélo-iraniennes

Entente et amitié : L'époque insoupçonnée des relations israélo-iraniennes

Depuis la création d'Israël en 1948, jusqu'à la Révolution iranienne de 1979, des relations amicales et de coopération existaient entre Israël et l'Iran, alors sous la gouvernance de la dynastie Pahlavi.

Une vision stratégique commune comme fondement de la coopération

En 1950, L'Iran devient le deuxième pays musulman à reconnaître officiellement l'État d'Israël, suivant ainsi la Turquie qui l'avait fait en 1949.
Cette reconnaissance peut s’expliquer par le fait qu’il existait des intérêts communs entre l'Iran et Israël, notamment des préoccupations partagées concernant la montée du nationalisme arabe. De plus, les deux pays partageaient des inquiétudes quant à l'influence soviétique dans la région.
Selon la perspective israélienne, ce moment revêtait une importance capitale en brisant un isolement diplomatique et en inaugurant la phase du concept de "périphérie", comme l'exprimait le Premier ministre de l'époque, David Ben Gourion. Ce concept de "périphérie" émerge d'une analyse historique, soulignant les deux millénaires d'antisémitisme subis par les juifs, ainsi que la persistance du refus des pays arabes envers l'existence d'Israël. Ainsi, la seule manière pour Israël d'éviter un isolement total consistait à forger des alliances stratégiques avec des États non-arabes et d’autres minorités religieuses.
Ben Gourion pousse cependant la réflexion plus loin, percevant rapidement l'avantage de cette politique périphérique vis-à-vis des États-Unis. En effet, ces alliances positionnent Israël en tant qu'atout stratégique, formant un pont entre les puissances occidentales et les acteurs régionaux.

C'est ce qu'explique Ben Gourion dans une lettre adressée au président Eisenhower le 24 juillet 1958 :

« Avec pour projet de former un barrage contre la vague déferlante nassériste et soviétique, nous avons commencé à renforcer nos liens avec certains États à l’extérieur du périmètre du Moyen-Orient – Iran, Turquie et Ethiopie, etc. Notre but est d’organiser un groupe de pays, pas nécessairement une alliance officielle, qui sera capable de tenir tête à l’expansion soviétique par l’intermédiaire de Nasser et un groupe qui pourrait sauver la liberté du Liban, et peut-être aussi celle de la Syrie »

Ainsi, naît une alliance naturelle et le début d’une amitié entre l’iran et Israël qui durera plus de 30 années. Cette relation, fondée sur le principe de “bénéfice mutuel”, va se concrétiser de bien des manières.

Une alliance énergétique comme rouage essentiel

Comme nous l’avons explicité, la reconnaissance d'Israël par l'Iran a naturellement débouché sur la possibilité d’envisager une coopération plus étroite entre les deux pays, notamment sur le plan commercial. Après la défaite des pays arabes lors de la guerre de 1948 visant à empêcher l’émergence d’un État israélien, l'Égypte et l'Irak privent ce dernier de ses approvisionnements en pétrole. En 1958, la situation pétrolière devient critique pour Israël, suite à la décision de l'URSS de cesser ses ventes. Israël se tourne alors vers son partenaire iranien.

Rapidement, l'Iran devient le principal fournisseur de pétrole d'Israël, et en 1967, les deux alliés établissent un oléoduc reliant Eilat, sur les rives de la mer Rouge, aux infrastructures de la ville portuaire méditerranéenne d'Ascalon. À la fin des années 1960, ce dispositif voit transiter annuellement 10 millions de tonnes, dépassant même les besoins d'Israël. Sur cette base, les relations sont consolidées et la suite des événements le prouvent. L'embargo pétrolier de 1973 ne comptera pas l’Iran dans ses rangs. Cette décision est le fruit d’une coopération économique fructueuse entre Israël et l'Iran, permettant à ce dernier de générer des revenus substantiels, amplifiés par l'appréciation rapide du prix du pétrole. Ainsi, en consolidant leur coopération dans des domaines cruciaux tels que l'énergie, ces deux pays ont démontré la possibilité d'instaurer une dynamique constructive malgré des contextes géopolitiques complexes. Par ailleurs, un autre domaine stratégique, connu sous le nom de "projet Fleur", va particulièrement contribuer à consolider les relations entre l’Iran et Israël.

Les pétales du projet “Fleur”

Le 18 juillet 1977, une rencontre significative se déroule entre le vice-ministre iranien de la Guerre, le général Hassan Toufanian, et les responsables israéliens, en l'occurrence le ministre des Affaires étrangères Moshe Dayan et le ministre de la Défense Ezer Weizman. L’objectif de cette rencontre est d'approfondir les relations entre les deux pays sur divers projets militaires collaboratifs parmi lesquels figure le projet “Fleur”. Facette particulièrement intéressante de la coopération économique entre l’Iran et Israël, le projet révèle une dimension des relations entre les deux nations dans laquelle s’entrelaçaient de manière complexe des intérêts économiques et sécuritaires.

Le projet “Fleur” prévoit le renforcement des compétences de l'Iran par Israël dans le secteur des systèmes de lancement de missiles de moyenne portée, avec une adaptation spécifique pour un tir depuis un sous-marin. En échange, l'Iran rémunère Israël à hauteur de 300 millions de dollars, auxquels s'ajoutent 250 millions de dollars en équivalent pétrolier. Sur le plan technique, Israël assume le rôle de leader dans le développement de technologies avancées de guidage, de navigation et de systèmes de propulsion. Des dispositifs de pointe, tels que des capteurs infrarouges et des systèmes de contre-mesures électroniques, font partie intégrante de la conception afin d'optimiser la précision et l'efficacité opérationnelle des missiles. Parallèlement, l'Iran se charge de la phase de la fabrication, mettant à profit ses installations spécialisées pour produire les composants essentiels des missiles. Ces technologies de pointe sont mises à l’épreuve de tests rigoureux, dans des conditions variées, tant sur le plan atmosphérique que sous-marin, pour garantir leur fiabilité et leur fonctionnalité en toutes circonstances.

Ainsi, l'époque insoupçonnée des relations israélo-iraniennes, qui s'étend de la création d'Israël en 1948 à la Révolution iranienne de 1979, offre un récit complexe mêlant des éléments diplomatiques, stratégiques, et économiques.

Le lien entre ces deux nations, initialement basé sur des intérêts communs et une vision stratégique partagée, a perduré pendant plus de 30 années. Cette période rappelle avec force qu'il a existé un moment où ces deux nations ont réussi à forger des liens, basés sur la coopération, la confiance mutuelle, et l'espoir d'un avenir commun. Espérons que les enseignements tirés de cette époque soient mis à profit pour rechercher des solutions constructives aux défis contemporains auxquels la région est confrontée.

Pour en apprendre davantage :

https://www.arte.tv/fr/videos/089134-001-A/la-longue-guerre-iran-israel-usa-1-2/

Sources :

https://www.defnat.com/e-RDN/vue-article-cahier.php?carticle=452&cidcahier=1289

https://www.cairn.info/revue-geoeconomie-2014-5-page-139.htm

https://en.wikipedia.org/wiki/Trans-Israel_pipeline#/media/File:Eilat-Ashkelon_Pipeline.svg

https://fr.wikipedia.org/wiki/Relations_entre_l%27Iran_et_Isra%C3%ABl#:~:text=Depuis%
20sa%20cr%C3%A9ation%2C%20en%201948,son%20meilleur%20ami%20non%2Dmusulman
.

https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2011-2-page-483.htm

https://fr.wikipedia.org/wiki/Projet_Fleur