Lumières d'hiver en partage
En cette période hivernale, tandis que Frank Sinatra et Mariah Carey tournent en boucle dans nos têtes, les rues s’illuminent pour accueillir chaleureusement les fêtes de fin d’année. Alors que l’on s’engouffre dans le froid et l’obscurité, les lumières sont mises à l’honneur par les trois monothéismes. Chaque communauté vient renforcer l’éclairage des réverbères et des décorations murales à force de bougies, de rites ancestraux et de plats traditionnels…
Noël, Mawlid, Hanouka…
La date du 25 décembre est bien connue de tous. La fête de Noël donne l’occasion aux familles de se réunir autour d’un repas plantureux. Crèches, sapin et messe de minuit, cette célébration est aussi celle de la lumière. Symbole de sagesse, de tolérance et de discernement, elle n’est jamais acquise. La bougie reste par excellence un élément phare des décorations et fait écho à la naissance de Jésus qui aurait inauguré “la lumière du monde”.
Dans la tradition hébraïque, la lumière est un idéal mais aussi un combat. On raconte qu’au IIème siècle avant JC, Juda Maccabé aurait affronté les Séleucides dans l’espoir de parvenir à rallumer la Ménorah du temple sacré. C’est donc en souvenir de cet événement, qu’à compter du 25 Kislev, les familles juives allument la Hanoukia (chandelier à 9 branches) pendant 8 jours. Durant cette semaine tant attendue, beignets enduits d’huile sont servis abondamment tandis que les enfants font tourner les toupies et déballent leurs cadeaux.
Enfin, bougies et guirlandes électriques viennent aussi éclairer les maisons et mosquées des pays musulmans à majorité sunnite. Le Mawlid : naissance du prophète, est fêté le 12 Rabi’Al Awwal dans le calendrier hégirien. Ce jour férié en Algérie, en Tunisie, au Maroc, en Lybie et aux Émirats Arabes Unis, commémore la préexistence de la lumière prophétique “nûr muhammadî” grâce à laquelle le monde fut créé. Les familles se réunissent le soir autour d’un repas familial où trônent les spécialités régionales : couscous, tamina, rechta…
Mondialisation des festivités : les marchés de Noël, une aubaine pour les commerçants du monde entier
Noël, une fête commerciale ? Et comment ! À Casablanca, les commerces de la capitale économique du royaume attendent eux aussi le mois de décembre avec impatience. Le directeur général de la plateforme d’e-commerce avito.ma , Zakaria Ghassouli, constatait une hausse de 20% comparée à la moyenne annuelle des ventes de ses consoles, à l’approche de la venue de “Baba Noel” (ainsi appelé par les enfants marocains). Tandis que le Morrocco Mall multiplie animations et spectacles, les consommateurs se pressent autour des enseignes afin de se procurer présents, mets ou encore le fameux sapin “Nordman” : une espèce de conifère rare, plébiscitée par la demande et vendue à 1200 dirhams marocains.
Morrocco Mall à Noël. Credits : Brahim Taougar
L’influence de la mondialisation sur les événements culturels ou festifs qui ponctuent notre année est patente. Dans une Arabie Saoudite de plus en plus ouverte sur l’extérieur, il est aujourd’hui devenu commun de fêter Noël. Dans le quartier de Djeddah, la mélodie du jingle “All I want for Christmas is you” s’échappe d’une boulangerie. Il y a 10 ans, cette anecdote aurait été à peine croyable, pourtant, depuis 2016, la démarche Vision 2030, dévoilée par le prince Mohammed Ben Salmane, le Royaume du Golfe partage désormais ces réjouissances avec le reste du monde.
La mondialisation s’accompagne de l’essor de l’urbain. Ce phénomène encourage à son tour la rencontre* - et non pas “le choc*” - des cultures. Depuis les années 1980, le mouvement Loubavtich organise chaque année les fêtes de Hanouka dans l’espace public des métropoles du monde entier. Cette initiative brouille ainsi temporairement les frontières entre le monde de l’ultra-orthodoxie et le monde urbain. Hanouka dans la ville, revient à l’imprégner de cette cérémonie et vice versa. Même constat dans le sud du Sahara, le jour chômé du Mawlid atteint également l’espace public : les enfants chantent dans les rues tout en exécutant rigoureusement une chorégraphie très spécifique.
“Nous nous souvenons que la lumière gagne toujours sur l’obscurité”
Miracle de Noël, de Mawlid ou de Hanouka : à Haïfa, un étincelant sapin, une menorah et un croissant de lune resplendissent côte à côte. Chaque année, cette ville au nord d’Israël accueille les fêtes de fin d’année dans l'atmosphère unique du festival Hag HaHagim (fête des fêtes) institué par le centre culturel Arabo-Juif Beit Hagefen. Chaque année, cet événement réunit tous les citadins autour de son marché de noël. Juifs, Arabes et Chrétiens festoient ensemble. Même constat dans la ville de Nazareth, où les Druzes prennent également part aux festivités. À la lumière de la joie, des rires et des chants, la cohésion devient une réalité. Le Cheikh Mohammed Al-Issa, secrétaire général de la Ligue Islamique mondiale rappelait d’ailleurs au cours d’une interview : “L’islam n’interdit pas aux musulmans d’échanger des voeux de Noël avec les chrétiens”.
Femme Druze dans un marché de Noel à Nazareth. Credits : @IsraelenFrance
À l’autre bout de l’hémisphère, un message d’espoir similaire luit depuis la Maison Blanche. Le 19 décembre, la Vice Présidente des États Unis, Kamala Harris y allumait la première bougie de Hanouka avec son époux de confession juive.
“C’est une période particulière dans notre maison. Nous nous souvenons que la lumière gagne toujours sur l’obscurité”. Cette confidence prend tout son sens au regard de la Hanoukia installée chaque année à l’entrée de la Porte de Brandebourg à Berlin. Ce chandelier est un marqueur fort là où flottaient, 80 ans plus tôt, les drapeaux du IIIème Reich. “C’est très symbolique d’être ici à la Porte de Brandebourg qui, d’un côté, symbolise les plus grands moments de l’Allemagne et, de l’autre, les plus sombres, pour célébrer Hanouka ensemble” déclarait la ministre de la culture Monika Grutiers en 2015. Ainsi la vision de cette Menora scintillante peut-elle s’entendre comme une réponse à La Nuit d’Elie Wiesel : après les années les plus sombres de l’histoire de l’humanité, le jour se lève enfin.
Sources :
https://instagram.com/israel.en.france?igshid=YmMyMTA2M2Y=
https://www.cairn.info/revue-archives-de-sciences-sociales-des-religions-2017-2-page-177.htm https://www.cairn.info/revue-archives-de-sciences-sociales-des-religions-2017-1-page-51.htm? contenu=resume
https://www.letemps.ch/opinions/noel-2022-nuit-lumiere
https://lphinfo.com/kamala-harris-a-allume-la-hanoukia-avec-son-mari/
https://www.arabnews.fr/node/328996/monde-arabe
https://www.arabnews.fr/node/328876/monde-arabe
https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/hanouka-2022-que-celebrent-les-juifs-lors-de-la-fete-des lumieres-7900216951
https://www.ohmymag.com/news/mawlid-an-nabi-dates-traditions-origines-tout-savoir-sur-cette-fete musulmane_art153121.html
https://www.arabnews.fr/node/328876/monde-arabe
https://www.i24news.tv/fr/actu/international/moyen-orient/1672064714-rien-dans-l-islam-n-interdit-d echanger-des-voeux-de-noel-secretaire-general-de-la-ligue-islamique-mondiale
https://fr.timesofisrael.com/des-refugies-syriens-se-joignent-a-lallumage-des-bougies-de-hanoukka-a-berlin/ https://aujourdhui.ma/actualite/saison-des-fetes-des-surprises-attrayantes-concoctees-par-le-morocco-mall (photographie)