L’Homme derrière l'objectif : Abbas Kiarostami, géant du cinéma iranien
Ses débuts et premiers pas
Né le 22 juin 1940 à Téhéran, Abbas Kiarostami a développé très tôt un intérêt pour l'art et le cinéma. Diplômé de la faculté des Beaux-arts de l'université de Téhéran, il a commencé sa carrière en travaillant dans la publicité et en produisant des films publicitaires pour la télévision iranienne. Entre 1962 et 1966, il réalise environ 150 annonces pour la télévision. 3 ans plus tard, il rejoint l'Institut pour le développement intellectuel des enfants et des jeunes adultes (Kanoun), où il commence à réaliser des courts-métrages à vocation pédagogique et civique. Il faut attendre 1970, pour voir naître son premier film, Le Pain et la Rue, court-métrage dramatique de douze minutes qui raconte l'histoire d'un jeune garçon confronté à un chien menaçant. Ce film, tourné en noir et blanc, montre déjà le talent du réalisateur pour transformer une situation à priori simple, en un récit profond et symbolique.
Un talent inné et un travail acharné
Abbas Kiarostami est un bourreau de travail. En seulement quelques années, il produira plus de 40 films ! Chacun d’eux est le reflet de l’une de ses convictions personnelles. Par exemple, en 1979, il réalise Cas n°1, cas n°2, un film qui examine un dilemme moral dans une classe d'école, marquant le début de l'importance de l'enfance et de l'éducation dans ses œuvres. Entre 1987 et 1994, Kiarostami réalise La Trilogie de Koker, composée de Où est la maison de mon ami ? (1987), Et la vie continue (1992) et Au travers des oliviers (1994). Ces 3 films, tous situés dans le village de Koker, explorent les thèmes de la vie, de la mort et de la résilience humaine après le tremblement de terre de 1990. Les histoires sont mises en scène simplement mais avec profondeur. Par exemple, dans Où est la maison de mon ami ?, c’est l'histoire d'un écolier cherchant à rendre un cahier à son ami pour éviter qu'il ne soit renvoyé de l'école et dans, Et la vie continue et Au travers des oliviers, c’est une exploration mêlant réalité et fiction qui met en scène la vie des survivants du séisme. Dans les années 2000, Kiarostami continue d'innover avec des films comme Ten (2002), qui se déroule entièrement dans une voiture, et Shirin (2008), qui présente les réactions de femmes regardant un film.
La consécration internationale
En 1990, Kiarostami réalise Close-Up, un film qui mélange documentaire et fiction en racontant l'histoire réelle d'un homme se faisant passer pour le célèbre réalisateur Mohsen Makhmalbaf. Ce film est salué par des réalisateurs comme Quentin Tarantino et Martin Scorsese et est souvent considéré comme un chef-d'œuvre. La consécration internationale vient en 1997 avec Le Goût de la cerise, qui remporte la Palme d'or au Festival de Cannes. Ce film raconte l'histoire d'un homme désespéré cherchant quelqu'un pour l'enterrer après son suicide. Le Vent nous emportera (1999), qui aborde les thèmes de la vie et de la mort dans un village kurde, remporte également de nombreux prix . Enfin, Copie conforme (2010), avec Juliette Binoche, marque sa première réalisation en dehors de l'Iran et reçoit le prix d'interprétation féminine à Cannes.
Ce qui différencie Abbas Kiarostami
Kiarostami est hors normes. Il se distingue notamment par son approche unique du cinéma, qui mélange la fiction et la réalité avec une fluidité et une poésie rares. Contrairement à beaucoup de réalisateurs, il évite les grandes mises en scène et les effets spéciaux, préférant des récits simples et des cadres épurés. Son travail se caractérise par des plans longs, des prises de vues en extérieur et une utilisation subtile de la lumière et du silence. Kiarostami cherchait à capter l’essence de la vie quotidienne et à révéler la beauté dans l’ordinaire. Ses films sont souvent perçus comme des méditations sur la condition humaine, abordant des thèmes universels tels que la vie, la mort, la mémoire et l’identité. Il a également été un maître dans l’utilisation de la métaphore et de l’allégorie, utilisant souvent des éléments de la culture et de la poésie persanes pour enrichir ses récits.
Héritage et influence
Kiarostami a joué un rôle crucial dans la mise en lumière du cinéma iranien sur la scène internationale. Ses succès ont inspiré de nombreux réalisateurs iraniens et ont aidé à créer une nouvelle vague de cinéma en Iran. En restant en Iran après la révolution de 1979, il a démontré qu'il était possible de créer un art significatif même dans des conditions politiques et sociales difficiles. Son travail a également eu un impact profond sur le monde arabe et au-delà en montrant une image plus nuancée et positive de l'Iran, contribuant à changer les perceptions occidentales de la région.
L'héritage de Kiarostami est immense. Pour preuve, en 2021, une rétrospective intégrale et une exposition au Centre Pompidou ont rendu hommage à son travail, soulignant l'importance de ses contributions artistiques et cinématographiques. Abbas Kiarostami restera à jamais une figure majeure du cinéma, un artiste qui a su capturer l'essence de la vie avec une simplicité et une profondeur inégalées. Son cinéma, ancré dans les réalités de l'Orient mais universel dans ses thèmes, continue de résonner à travers les cultures et les générations.
Sources :
https://www.lemonde.fr/culture/article/2016/07/04/le-cineaste-iranien-abbas-kiarostami-est-mort-a-l-age-de-76-ans_4963523_3246.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Abbas_Kiarostami
https://www.radiofrance.fr/franceinter/abbas-kiarostami-l-homme-qui-a-revele-au-monde-le-cinema-iranien-5880433