La Rénovation du patrimoine juif au Maroc

La Rénovation du patrimoine juif au Maroc

Le Maroc représente depuis plusieurs siècles un modèle singulier de coexistence et de convergence de civilisations, de cultures et de religions, au point de s’imposer comme un véritable carrefour entre l’Orient, l’Afrique et l’Europe.

Le Maroc représente depuis plusieurs siècles un modèle singulier de coexistence  et de convergence de civilisations, de cultures et de religions, au point de s’imposer  comme un véritable carrefour entre l’Orient, l’Afrique et l’Europe. Par son modèle  unique, le Maroc fait de la religion un facteur de paix, veillant à ce que les  communautés juive et chrétienne vivent en harmonie et dans le respect des valeurs  du vivre ensemble. Le pilier central de cette approche s’appuie sur l’institution de la  Commanderie des croyants, «Imarat Al-Mouminine», incarnée par S.M. le Roi  Mohammed VI qui est garante de l’unité nationale.  

La coexistence et le vivre ensemble ne sont donc pas de vains mots au Maroc.  Depuis des siècles et jusqu’à nos jours, les juifs vivent en harmonie et en paix aux  côtés de leurs frères musulmans. Mieux encore, les Rois du Maroc ont veillé depuis  toujours à ce que la composante juive de la Nation marocaine puisse exercer son  culte dans les meilleures conditions et qu’elle puisse préserver ses spécificités  socioculturelles.

L’exception juive marocaine

Présente depuis l’Antiquité, la communauté juive marocaine a crû au cours des  siècles, avec notamment l’arrivée de ceux que les rois catholiques avaient expulsés  d’Espagne à partir de 1492. Dans les années 1940, elle représentait environ  250 000 personnes, soit 10 % de la population et était la plus importante  communauté juive du monde arabe. Beaucoup sont partis après la fondation de  l’état d’Israël en 1948, puis après la guerre de 6 jours en 1967, avec pour objectif  de repeupler le pays et également répondre à l’appel religieux messianique. Aujourd’hui, la communauté juive marocaine, qui réside essentiellement à  Casablanca, compte environ 2 500 personnes et reste la plus importante d’Afrique  du Nord.  

Le statut des juifs du Maroc au XXe siècle a oscillé entre différents pôles : depuis  le statut de « dhimmi » avant le protectorat en 1912, celui de « colonisés  privilégiés » sous la domination française, ou encore celui de sujet à part entière du  royaume chérifien. Ainsi Le Roi Mohammed V déclarait officiellement, en 1941, sa  désapprobation des lois antijuives du régime de Vichy, et refusait strictement toute  distinction faite entre ses sujets juifs ou musulmans.

Cette singularité de l’exemple marocain qui fait la force du pays n’est pas près de  s’altérer. « Les relations entre Israël et le Maroc sont spéciales », abonde le  ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita. Le diplomate en veut  pour preuve l’histoire qui lie le royaume chérifien à la communauté juive : « Il s’agit  d’une histoire particulière dans le monde arabe. Le roi Mohammed VI et les rois  précédents, dont Hassan II, respectent les juifs et les protégent. »

Cette histoire, le royaume souhaite désormais l’enseigner à ses enfants.  En effet, le roi Mohammed VI, avait déjà clairement manifesté sa volonté de  prendre soin de toutes les racines du Royaume et des affluents de son identité  plurielle pour construire son avenir en faisant inscrire la revalorisation du patrimoine  juif marocain dans la nouvelle Constitution de juillet 2011.

Aussi, un an après la signature des Accords d’Abraham en décembre 2020 qui  marque le point de départ de la normalisation des relations diplomatiques entre le  Maroc et Israël, plusieurs initiatives visant à répondre à l’intérêt croissant pour la  préservation du patrimoine juif marocain ont été prises.  

Le Souverain décide de faire intégrer au programme scolaire des petits Marocains  la composante juive de l’histoire nationale, puis ordonne la rénovation de centaines  de synagogues, de cimetières et de sites du patrimoine juif dans plusieurs villes du Maroc, dont le cimetière juif de la ville de Fès, qui comprend 13 000 tombes. Sa Majesté souhaite également rétablir les noms d’origine de certains quartiers  juifs du pays.

« Bayt Dakira » la mémoire judéo-marocaine en terre d’Islam

Crédit : Nassima Chahboun

Unique en son genre au sud de la Méditerranée et en Terre d'Islam, Bayt Dakira  (la Maison de la Mémoire) témoigne du passé judéo-musulman d’Essaouira, de la  destinée exceptionnelle des Juifs de cette ville et de leurs relations avec les  populations musulmanes, qui ont toujours été riches et bienveillantes. Ce musée situé dans le quartier juif "Mellah" de l'ancienne médina se veut un  espace spirituel dédié à la communauté juive de la ville.

Il abrite le Centre international de recherches sur l’histoire des relations entre le  Judaïsme et l’Islam et joue un rôle important dans la préservation et la valorisation  de la mémoire juive marocaine.

Ayant pour centre de gravité la synagogue «Slat Attia», Bayt Dakira est un lieu de  mémoire qui raconte par les objets, les textes, la photo et le film, l’exceptionnelle  saga du Judaïsme de la ville et de ses patrimoines : du cérémonial du thé à l’art  poétique hébraïque, de l’orfèvrerie du filigrane de l’or et de l’argent à la broderie et  à la confection de somptueux caftans, des arts culturels à la littérature et des rituels  souiris (d’Essaouira) à la synagogue aux grands comptoirs du négoce qui ont fait le  rayonnement d’Essaouira anciennement Mogador au 18e et 19e siècle.  Ce lieu qui présente et explique tous les passages de la vie juive, de la naissance  au décès et de la Bar Mitzvah au mariage, est également un lieu de pédagogie, un  espace d’échange entre les chercheurs de divers horizons, un espace de partage,  de transmission et de résistance à l’amnésie.

La visite du Souverain en 2020 de cet édifice traduit l’intérêt particulier qu’accorde Sa Majesté le Roi, au patrimoine culturel et cultuel de la communauté juive marocaine, et sa volonté permanente de préserver la richesse et la diversité des composantes  spirituelles du Royaume et de son patrimoine authentique.

« Slat Al Fassiyine» témoin de l’héritage culturel juif  

Un autre projet tout aussi symbolique, celui de la réhabilitation de la synagogue  « Slat Al Fassiyine ». Véritable sanctuaire du judaïsme de la ville de Fes, cette  synagogue a été restaurée et transformée en lieu de mémoire juive. Pour beaucoup d’observateurs, la réouverture de ce lieu de culte traduit de manière  éloquente la ferme volonté du Royaume, de mettre en valeur le patrimoine judéo marocain et de promouvoir ainsi la culture de tolérance et de vivre ensemble qui a  toujours prévalu entre musulmans et juifs marocains.  

S.M. le Roi Mohammed VI avait adressé un message fort aux participants lors de  son inauguration dans lequel il avait relevé l’intérêt de l’héritage culturel et spirituel  de la communauté juive marocaine, en tant que partie intégrante du patrimoine  marocain et témoin de la richesse et de la diversité de ses composantes.  Reconnue et classée monument historique d’intérêt universel par l’Unesco et par le  ministère de la Culture, la restauration de la synagogue Slat Al Fassiyine est le fruit  de l’action concertée de la communauté israélite de Fès, de la Fondation du  patrimoine culturel judéo-marocain et de l’appui financier du gouvernement  allemand. La restauration de cet édifice revêt une importance capitale dans la  mesure où elle a été faite dans le respect de la particularité des synagogues au  Maroc où chacune a ses spécificités propres, liées soit aux familles qui les ont  édifiées, soit aux quartiers où elles sont installées.

Sa réhabilitation architecturale, œuvre d’architectes, de restaurateurs et d’artisans  experts «maalmins» marocains, a permis de donner à ce monument une nouvelle  vie.  

La restauration de ce sanctuaire juif s’inscrit dans le cadre d’un programme de  réhabilitation des quatre synagogues du Mellah de Fès, classées monuments  historiques par l’Unesco et le ministère de la Culture. Il s’agit, outre la synagogue  « Slat Al Fassiyine », des synagogues « Ibn Danan », « Mansano » et  « Imhabanin ».

Datant du 17e siècle, la synagogue « Ibn Danan » est aujourd’hui un lieu de culte  qui porte le nom d’un ancien rabbin et symbole du patrimoine judéo-marocain de la  ville. Quant à la synagogue « Mansano », elle a été édifiée au 17e siècle par les  juifs andalous expulsés d’Espagne. Enfin, la synagogue « Imhabanin » (en arabe  oum al-banine) a été bâtie au 20e siècle par des femmes.

Les cimetières  

Autre manifestation de l’intérêt porté par le Souverain à la préservation et à la  valorisation du patrimoine judéo marocain, le programme de réhabilitation des  cimetières juifs. Ce programme qui a duré cinq années a permis de revisiter le  patrimoine funéraire juif marocain.  

Cette initiative unique dans les pays arabes, a permis de réhabiliter 167 cimetières, construire plus de 40 kilomètres de murs, rénover 169 portes de cimetières, en plus  des 200.000 mètres carrés de pavement et l’édification de dizaines de bâtiments et  dépendances.  

Ces réalisations ont été présentées à l’Institut du monde arabe (IMA) à Paris, au  Sénat américain et au musée MoMA de New York.

À travers ses sites historiques, synagogues, mellahs, expressions culturelles et  artistiques, le patrimoine judéo-marocain témoigne d’une histoire commune et  multiséculaire, et transmet aux nouvelles générations un héritage dont la valeur est  inestimable.

La justice hébraïque

Partie intégrante du système judiciaire du Royaume, la justice hébraïque est une  autre manifestation éclatante de la diversité qui caractérise l’identité marocaine. Le Maroc était et demeure l’unique pays arabe où les juifs marocains disposent de  Chambres rabbiniques qui sont chargées de statuer sur leurs litiges relatifs  notamment aux affaires du statut personnel et de l’héritage.

C’est dans ce cadre que le ministère de la Justice a établi un plan d’action dont le  but est de mettre en lumière la justice hébraïque et les rôles qui lui sont dévolus.  Encadrée par un ensemble de Dahirs Chérifiens qui illustre ses liens très étroits  avec l’institution d’«Imarat Al Mouminine», la justice hébraïque dans le Royaume a  pu produire une riche jurisprudence inhérente au statut personnel des citoyens juifs  marocains.  

En vue de la préservation, de la valorisation et de la protection de cet héritage  historique, une campagne nationale a été lancée en mars 2021 pour la collecte des  jugements et des manuscrits hébraïques répartis sur les différents centres de  conservation et d’archivage relevant du ministère de la Justice. Ces documents  d’une valeur inestimable feront ainsi l’objet d’un archivage électronique avant d’être  conservés dans des conditions sûres, leur garantissant une meilleure protection  contre la dégradation.

Toujours dans l’objectif de préserver et de promouvoir ce pan de l’identité  marocaine, un Musée national de la mémoire du système de la justice dans le  Royaume sera créé. La justice hébraïque y occupera une place de choix.

Après plusieurs décennies placées sous le signe de l’arabisation du pays, cet  intérêt croissant pour la culture juive a coïncidé avec la reformulation du récit  national tourné vers une revendication de la pluralité ethnique et linguistique du  Maroc. Avec la Constitution de 2011, l’identité hébraïque est devenue, dans ce  mouvement, une composante à part entière de l’identité marocaine, au même titre  que les identités berbères ou hassanies.