La course aux minerais stratégiques des pays du Golfe pour assurer leur transition énergétique
L'Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis, comme d'autres nations de la région, cherchent à se positionner comme des leaders dans l'extraction et le traitement des minerais stratégiques nécessaires pour les technologies vertes.
Ces ressources, telles que le cuivre, le lithium, le cobalt et le nickel, sont devenues indispensables pour la fabrication des batteries, des panneaux solaires, et des éoliennes, devenues des éléments clés de la transition énergétique.
C’est dans ce but que ces pays renforcent à tour de bras leurs partenariats internationaux afin de sécuriser l'approvisionnement en minerais rares et assurer une souveraineté stratégique.
L’orient se tourne vers l’Afrique
Dans la sphère diplomatique, une rude bataille est menée pour assurer l’approvisionnement en minerais. En décembre 2023, les Émirats arabes unis, via International Resources Holding, ont acquis une participation majoritaire dans la mine de cuivre de Mopani en Zambie pour 1,1 milliard de dollars.
De son côté, l'Arabie saoudite a créé le fonds Manara, doté de 15 milliards de dollars, et a acquis 10% de la filiale de Vale, un géant minier brésilien spécialisé dans les minerais stratégiques. En plus de cela, le pays a signé des accords de coopération minière avec plusieurs pays, dont la République démocratique du Congo, l'Égypte, la Russie et le Maroc. Enfin, des délégations saoudiennes ont également exploré des opportunités en Argentine et au Chili, pays riches en lithium. Ces investissements massifs dans les minerais stratégiques visent à soutenir la production locale de véhicules électriques, comme l'usine Lucid en Arabie saoudite, et à fournir des composants critiques à l'industrie aéronautique et de la défense. L’enjeu est clair : assurer une souveraineté permettant une transition énergétique.
Une réussite stratégique et une ambition nucléaire
« Je suis heureux d'annoncer que notre estimation du potentiel minéral inexploité du royaume est passée de 1.300 milliards de dollars à 2.500 milliards de dollars, soit une augmentation de 90% »
Tels sont les mots de Bandar Alkhorayef, ministre saoudien de l'Industrie et des Ressources minérales, lors d'une conférence à Ryad. La vision stratégique 2030 du royaume, porté par le prince héritier MBS, porte ses premiers fruits.
À cela s’ajoute, en 2023, la découverte de réserves significatives d'uranium, exploitables localement. Ces ressources pourraient permettre au pays de produire indépendamment le combustible nécessaire pour ses futures centrales nucléaires. Les explorations récentes ont identifié une variété de gisements d'uranium dans différentes régions du Royaume, notamment à Jabal Saeed, Madinah et Jabal Qariah dans le nord.
En outre, des quantités importantes de titane ont également été découvertes.
En complément de l'énergie solaire et éolienne, le royaume mise sur le nucléaire pour répondre à une demande croissante en électricité, qui a augmenté de 20 % entre 2012 et 2020. Le nucléaire jouera donc un rôle clé dans des projets énergivores tels que le dessalement de l'eau, actuellement dépendant de la combustion des hydrocarbures. Avec l'annonce en 2018 de la construction de 16 réacteurs nucléaires sur 20 ans, pour un coût de 80 milliards de dollars, l'Arabie Saoudite a réaffirmé son engagement en faveur du nucléaire.
Récemment, le prince Abdulaziz bin Salman a confirmé le développement de deux grands réacteurs, qui exploiteront les ressources locales en uranium, marquant une avancée significative dans la transition énergétique du pays.
Un impact économique et sociétal majeur
La transition climatique et l’industrialisation ont créé des milliers d'emplois dans les pays du Golfe, réduisant ainsi les taux de chômage et améliorant le niveau de vie des populations locales. En Arabie Saoudite, par exemple, le secteur minier pourrait générer environ 250 000 emplois directs et indirects d'ici 2030.
En investissant dans des formations et des infrastructures locales, les pays du Golfe souhaitent non seulement favoriser le développement des compétences et l'éducation mais aussi préparer une nouvelle génération de travailleurs qualifiés pour soutenir une industrie souveraine.
Les retombées économiques ne se limitent pas seulement à la création d'emplois. Selon les estimations, les projets miniers en cours en Arabie Saoudite pourraient ajouter jusqu'à 64 milliards de dollars à l'économie du pays chaque année. De plus, les investissements dans les technologies de l'information et les infrastructures logistiques nécessaires pour soutenir ces opérations minières stimulent d'autres secteurs économiques, créant un effet de ruissellement positif sur l'ensemble de l'économie. Sur le plan sociétal, ces développements offrent des opportunités d'éducation et de formation professionnelle aux jeunes, ce qui contribue à réduire les inégalités et à améliorer la mobilité sociale.
Les pays du Golfe mettent en place des programmes de bourses et des partenariats avec des institutions académiques internationales pour former des ingénieurs et des techniciens spécialisés dans l'industrie minière. Toujours en Arabie Saoudite, des initiatives comme le "Mining Skills Development Program" visent à former plus de 10 000 professionnels d'ici 2025.
Même si les conséquences positives sont nombreuses et que l’objectif d’une transition énergétique est louable et impératif, les critiques concernant l’extraction des minerais restent nombreuses car les techniques employées restent polluantes. C’est pour cela que les pays du Golfe multiplient les initiatives pour une exploitation minière durable et respectueuse de l'environnement.
Les gouvernements des pays du Golfe investissent dans des technologies vertes pour minimiser l'impact environnemental de l'extraction des minerais, conformément aux objectifs de la transition énergétique dictés par les COP. L'Arabie Saoudite, par exemple, a alloué plus de 2 milliards de dollars pour des projets de recherche et développement dans le domaine des technologies propres et de l'extraction minière durable.
Ainsi, la quête des pays du Golfe pour les minerais stratégiques est une réponse proactive aux défis de la transition climatique et une opportunité de redéfinir leurs économies. En outre, cette dynamique s'inscrit dans une longue tradition de liens culturels et économiques entre l'Orient et l'Afrique, où les échanges commerciaux et les interactions culturelles ont façonné des civilisations prospères et interconnectées. Historiquement, les routes commerciales qui traversaient le Golfe et l'Afrique de l'Est étaient des vecteurs essentiels de prospérité et de développement. Ces liens historiques sont aujourd'hui ravivés par les ambitions des pays du Golfe de s'industrialiser et de préserver leur souveraineté économique. Les défis communs que partagent l'Orient et l'Afrique, notamment en matière de développement durable et de transition énergétique, les placent à une intersection commune, ouvrant la voie à une coopération renforcée et à un avenir partagé prospère.
Sources :
https://alj.com/fr/news/leading-saudi-arabias-renewable-energy-revolution/