Ces librairies interculturelles qui nous remettent à la page
Hier, la dynastie des Abbassides mobilisait les livres du monde entier afin de fonder une bibliothèque encyclopédique.
Dans la maison de la sagesse : “Bayt al-Hikma”, érudits d’Orient et d’Occident unissaient leurs efforts pour rendre la connaissance universelle. Aujourd’hui, un nouveau chapitre s’ouvre pour la maison de la sagesse tout comme pour le dialogue entre les peuples.
À l’heure où le marché du livre affiche une hausse annuelle de 18% de son chiffre d’affaire et où la trend booktok séduit de plus en plus de tiktokeurs, les librairies et bibliothèques interculturelles se réinventent et prennent le relais en tant qu’espaces d’échange et d’apprentissage. En voici trois d’entre elles qui méritent le détour.
Al Saqi : un chapitre s’achève mais l’histoire continue pour la librairie spécialiste du Moyen-Orient
Al Saqi Books, c’est l’histoire de trois amis, Mai Ghoussoub, André et Salwa Gaspard, qui quittent leur Liban en feu et en flammes pour tout recommencer de l’autre côté de la Méditerranée.
Avec eux, ils emportent la connaissance et installent une librairie au centre de Londres afin de pouvoir la transmettre. Regorgeant d’essais et de romans sur le monde arabe, la maison spécialiste du Moyen Orient s’est vite imposée en l’Europe comme la plus grande du genre.
Par ailleurs, l’établissement ne s’est jamais plié à la censure, proposant notamment les oeuvres de Rushdie, traduites par l’auteur Israélien Abba Ebban.
Aujourd’hui pourtant, l’iconique librairie londonienne s’apprête à fermer ses portes sous le double coup de la crise au Liban, où se trouve leur maison d’impression, et du Brexit qui mpose de nouvelles barrières douanières.
Un chapitre se cloture pour Al Saqi, mais l’aventure continue !
Ses branches éditoriales Al Saqi Books et Dar al Saqi restent accessibles en ligne tandis que de nouveaux locaux sont en construction dans l’ouest de la capitale.
Les lecteurs pourront donc rapidement retrouver les essais sociologiques de Samir et Roseanne Khalaf, tels qu’Arab Youth : social mobilisation, ou encore The Meaning of Mecca de M.E McMillan et bien d’autres ouvrages…
Bien plus qu’un magasin, la librairie comme refuge : Pages à Istanbul
Tout comme les fondateurs d’Al Saqi, le syrien Samer Al-Kadri inaugure sa librairie sur les routes de l’exil. Arrivé en Turquie en 2012, le fondateur de Pages tenait à aménager un endroit spécial pour les habitants de la ville mais aussi pour les réfugiés syriens qui s’y trouvent.
Les étagères sont remplies de livres de célèbres auteurs syriens et de poètes arabes, presque impossibles à trouver à Istanbul.
Un espace est également offert aux écrivains, artistes et musiciens syriens pour qu’ils puissent perfectionner leur art et pour mieux s’intégrer dans la société. “Les membres de la communauté syrienne avaient besoin d’un endroit qui puisse leur rappeler leur pays, tandis que les communauté turque avait besoin de mieux nous connaître” souligne la co-créatrice de ce projet, Gulnar Hajou.
Synonyme de partage, le projet Pages a créé un point de rencontre entre les deux populations.
Plus de “barrière de la langue” pour l’association "LivreEnsemble"
Et si l’on faisait de la littérature une langue universelle ? Tel est le défi que s’est lancé l’association LivreEnsemble dont les locaux ouvriront prochainement à Paris Centre.
Cette bibliothèque multilingue ambitionne de promouvoir la diversité culturelle en proposant une large gamme d’ouvrages dans plusieurs centaines de langues. Véritable passerelle entre les cultures, LivreEnsemble tiendra également des ateliers pour faire découvrir la spécificité de chaque idiome.
Pour le moment, sa bibliothèque virtuelle donne déjà accès à un contenu varié grâce a des vidéos de lecteurs qui présentent leurs langue leur livre préféré.
Nadia Déhan Rotschild nous livre ainsi dans son yiddish maternel cet extrait hilarant des Mille Et Une Nuits De Krushnik de Sholem Aleichem :
“Sur la ligne de front, le soldat Yiekhiel commence à tirer en l’air. Là bas, tu dois tirer là bas, comme les autres ! Lui dit l’officier. Mais Yehiel ne s’alarme pas davantage et lui dit bien posément : là-bas ? Mais il y a des hommes là-bas !”
Quel avenir pour les bibliothèques ?
Se questionnait Umberto Eco lors de sa conférence du 10 mars 1981, à l’occasion du 25 ème anniversaire de la bibliothèque communale de Milan. Son essai De Bibliotheca laissait paraître que la bibliothèque de demain devait d’abord être un lieu de vie, un lieu où l’on ait envie d’aller, où l’on se sente chez soi.
LivreEnsemble à Paris, Al Saqi à Londres, et Pages à Istanbul prouvent que la prédiction de l’écrivain est en train de se réaliser.
Sources :
https://www.association-livreensemble.fr/la-chaine-livreensemble/
https://kawa-news.com/top-3-des-plus-belles-bibliotheques-du-monde-arabe/