Hasna El Becharia : pionnière de la musique diwane et rockeuse du désert
Du début au destin
Née en 1950 à Béchar, une ville située au sud-ouest de l'Algérie, Hasna El Becharia a grandi dans une famille qui valorisait la musique et la culture gnaoua, une tradition musicale et spirituelle importée en Algérie par les descendants d'esclaves africains. Très jeune, elle s'est passionnée pour la musique diwane, un genre traditionnel issu des pratiques des gnaouas, marquée par ses rythmes hypnotiques et ses chants mystiques. Contrairement aux normes sociales de son époque, Hasna a appris à jouer du guembri, un instrument à cordes traditionnellement réservé aux hommes. Ainsi, défiant les normes de son époque, Hasna apprend en secret à jouer de cet instrument, une décision qui la distingue dans une société où les rôles de genre sont strictement définis.
Dès l'âge de 15 ans, elle commence à se produire en public lors de cérémonies religieuses locales. Un peu plus tard, dans les années 1970, elle quitte Béchar pour Alger, cherchant à élargir son horizon musical et à faire connaître son style unique, une fusion de diwane traditionnel et de rock. En effet, c’est dans la capitale algérienne qu’elle commence à se faire un nom.
Son talent est rapidement reconnu et elle devient l’une des premières femmes à se produire dans des cafés populaires, chantant et jouant du guembri aux côtés des hommes. En 2001, sa carrière prend un tournant décisif lorsqu'elle enregistre son premier album, Djazaïr Johara, qui lui permet de se faire connaître à l'international.
Cet album mélange les rythmes hypnotiques de la musique gnaoua avec des influences de rock et de blues, marque le début de sa réputation en tant que "rockeuse du désert", une légende est née.
Héritage musical
Hasna El Becharia a façonné un style musical unique qui est devenu un pont entre traditions anciennes et expressions modernes. Sa musique est un savant mélange de diwane traditionnel et de rock moderne qui reflète non seulement la richesse de la culture algérienne mais également son ouverture aux influences extérieures. Avec des albums tels que Djazaïr Johara en 2001 et Smaa Smaa en 2012, elle a su captiver un large public, dépassant les frontières de l'Algérie pour toucher des auditeurs internationaux.
À travers sa musique, Hasna cherchait aussi à transmettre des messages qui lui tenaient à cœur. Par exemple, en jouant du guembri, un instrument à cordes traditionnellement réservé aux hommes, et en y intégrant des éléments de rock, elle a non seulement modernisé le genre mais l'a aussi rendu accessible à une audience plus large et plus jeune. En faisant cela, Hasna envoyait le message fort que les traditions peuvent s’adapter tout en conservant leur essence.
Hasna utilisait également sa musique pour aborder des thèmes de justice sociale et d’égalité des sexes. Ses chansons portaient souvent sur des sujets comme la liberté, l’oppression, et la lutte pour les droits des femmes.
En tant que femme, elle avait profondément conscience de jouer un rôle particulier dans une scène musicale dominée par les hommes et c’est pour cela qu’elle cherchait à faire bouger le curseur.
Reconnaissance et icône
En 2017, Hasna a été récompensée par le "Prix de la Francophonie" pour l'ensemble de sa carrière, un témoignage de son influence internationale et de sa capacité à transcender les frontières, qu'elles soient géographiques ou culturelles. Ainsi, son œuvre est un appel à la résistance et à la résilience, à la fois un hommage à son patrimoine culturel et une déclaration d’amour à la modernité et au renouvellement. À travers sa musique, Hasna a non seulement laissé une marque indélébile sur le monde de la musique, mais elle a aussi tracé un chemin pour les générations futures d'artistes, surtout les femmes, dans le monde arabe et au-delà. En effet, elle a toujours revendiqué son indépendance artistique et n’a jamais hésité à parler de ses origines, de ses croyances et de ses luttes. En 2004, après la sortie de son album "Algeria Blues", elle a déclaré dans une interview : « La musique, c'est ma liberté. C'est aussi ma manière de me battre contre les injustices que j'ai vécues en tant que femme ».
Sources :
https://www.telerama.fr/musique/mort-d-hasna-el-becharia-la-rockeuse-du-desert-7020277.php
https://fr.wikipedia.org/wiki/Musique_diwane
https://www.youtube.com/GnawaMusichttps://