Le Sport au Moyen-Orient : d’expression identitaire à vecteur de normalisation des relations

Le Sport au Moyen-Orient : d’expression identitaire à vecteur de normalisation des relations

Au 31 janvier 2024, à la clôture du grand prix d’escrime du Qatar, l’israélien Yuval Freilich remporte la médaille d’or. Il l’a fait ! Moment rare et intense : l'hymne national israélien a retenti dans un pays arabe, sans aucun lien direct avec Israël.

Gili Lustig, directeur général du Comité olympique, a qualifié la victoire de Freilich « d’impressionnant exploit dans un tournoi de niveau olympique » et que

« la victoire au Qatar et le fait de brandir le drapeau israélien dans des moments comme ceux-ci, sur cette scène unique, est la fierté israélienne à son apogée ».

Mais alors, pourquoi gagner une compétition sportive de haut niveau revêt-il une si grande importance pour Israël comme pour les pays du Moyen-Orient ?

L’une des premières réponses réside dans une perspective historique. Dans cette région du monde, qui vit au rythme des conflits, le sport s’est imposé comme un moyen d’affirmer un héritage et une identité. Dans cet article, nous proposons un panorama permettant de comprendre comment, au fil des années, le sport est devenu un puissant moyen d’expression de l’identité des peuples et par extension, une manière de les réconcilier.

l’Héritage sportif et la construction identitaire permise par le sport


Le sport au Moyen-Orient n’est pas seulement l’exercice d’un loisir. Il est avant tout un héritage culturel, tissé dans la toile de fond complexe de l’histoire des pays. Cette dimension transcende les simples actes de victoire et de défaite pour devenir un pilier essentiel dans la construction identitaire des pays. Ainsi, cet héritage culturel est imprégné d'une symbolique et d’une volonté profonde, reflétant les aspirations, les défis et les triomphes d’une nation. Cette construction identitaire, en régénérant et ravivant l'image de soi des différentes communautés, qu’elles soient juives ou musulmanes, permet de s’affirmer en tant que peuple.

Pendant de nombreuses années, le sport a permis aux communautés du Moyen-Orient d’exprimer publiquement leurs sentiments les plus profonds, particulièrement dans des contextes difficiles. C’est pour cette raison que le sport agit comme un catalyseur puissant des identités nationales. On peut par exemple citer le mouvement sportif arabe-palestinien des années 1940, intégré au mouvement nationaliste arabe, illustrant parfaitement la manière dont le sport devient un moyen de défendre une identité collective. Les équipes sportives avaient alors des noms de commandants militaires musulmans et arabes qui renforcaient la dimension nationaliste du mouvement. Autre exemple, lorsque l'État d'Israël vient d’être créé et que la région s’embrase, la tension est à son paroxysme et les revendications nationalistes sont exacerbées.

Pourtant, la volonté des pays n’est pas réduite qu’au recours à des conflits armés directs mais aussi à des initiatives mettant en avant la riche culture de leur pays, comme à travers le sport. Côté israélien, cela s’est traduit par les noms des clubs sportifs sionistes, avec des références aux héros mythiques tels que Judas Maccabée, Samson, ou Bar-Kokhba.

Ainsi, le sport au Moyen-Orient illustre un désir profond de renouer avec des racines et des valeurs fondamentales. À ce stade, la question se pose de savoir si l’expression de cet héritage et de cette identité permettent d’outrepasser des divergences idéologiques au profit d’une unité. Pour le comprendre, nous proposons de mettre en avant un exemple concret dans lequel le sport à permis de montrer que la conflictualité peut laisser la place à la coexistence pacifique.

La normalisation des relations se bâtit pas à pas


Depuis 2016, l'Iran n’entretient plus de relations avec l’Arabie Saoudite. Or, l’entente entre ces deux poids lourds du Moyen-Orient est indispensable pour parvenir à une stabilité dans la région. En 2023, à la surprise générale, les deux pays ont décidé de renouer le dialogue: par le football !

Signé sous l’égide de la Chine, l'accord prévoit la reprise des matchs entre les clubs et les équipes nationales des deux pays, entérinant plus de 7 années de conflits. L'Arabie saoudite, ambitieuse de devenir une puissance footballistique mondiale, a investi plus d'un milliard de dollars pour attirer des stars internationales.

Ce rapprochement sportif est présenté comme un élément clé de la normalisation progressive entre les deux nations du Moyen-Orient, offrant une vitrine symbolique de l'apaisement. Le football est désormais considéré comme un outil puissant de soft power, aligné avec la vision respective des deux pays.

Ainsi, bien que des progrès concrets et une résolution complète des différends soient encore à venir, la première étape a été franchie avec la réouverture des représentations diplomatiques en septembre, symbolisée par l'arrivée simultanée des nouveaux ambassadeurs dans les deux capitales.

En conclusion, le sport dans la région du Moyen-Orient revêt une dimension particulière. Celui-ci contribue non seulement à forger des identités collectives, reflétant les épreuves passées, mais aussi à concrétiser les aspirations partagées à une coexistence pacifique.

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