JO 2024 : le Moyen Orient gravit les marches du podium
Comme l’a exprimé Raphaël Enthoven dans ses vœux olympiques, le sport nous enseigne que l’adversaire n’est pas l’ennemi, que l’on peut s’affronter tout en se respectant, et que des confrontations intenses peuvent se dérouler de manière pacifique et civilisée. Quelles leçons aurons-nous tirées de cette édition 2024 concernant le Moyen-Orient ? D’une part, les éclatantes performances des athlètes régionaux : 12 médailles pour l’Iran, 7 pour Israël, suivis de près par Bahreïn avec 4 médailles, puis le Maroc, l’Égypte et la Tunisie. D’autre part, une représentation inédite des délégations féminines d’Afrique du Nord et du Golfe Persique. Entre euphorie et rebondissements, le progressisme et l’espoir étaient au rendez-vous.
Révélations Olympiques : De l’Algérie à l’Afghanistan, les Athlètes Féminines Accumulent les Médailles
À l’image de guerrières légendaires trônant sur le mont Olympe, les Artémis et Athéna orientales ont fait résonner leur nom dans les gradins des stades enflammés. Athlétisme, haltérophilie, boxe ou encore gymnastique artistique, elles ont prouvé que le corps féminin pouvait s'adapter à toutes les disciplines. Faisant preuve d’une force herculéenne, Sara Ahmed a décroché la médaille d’argent en haltérophilie. En mobilisant toutes ses forces, la championne égyptienne a soulevé une barre impressionnante de 268 kilos, battant ainsi son record précédent de 255 kilos, établi lors des Jeux Olympiques de Rio en 2016.
Le Bahreïn n’a pas non plus démérité. Avec ses quatre médailles, dont deux en or, le royaume du Golfe a vu ses marathoniennes triompher sur les pistes du steeple. Winfred Mutile Yavi, coureuse bahreïnienne de 24 ans, a remporté la sixième médaille olympique de l’histoire du Bahreïn. Son sprint inattendu dans les dernières secondes de la compétition lui a permis de réaliser la quatrième meilleure performance de l’histoire du 3000 mètres steeple, avec un temps de huit minutes et cinquante-deux secondes. Sa compatriote, Salwa Eid Naser, a quant à elle décroché la médaille d’argent sur l’épreuve du 400 mètres. Débordantes de joie et d’ambition, les deux championnes ont été reçues en grande pompe au palais du roi Hamad Ben Issa pour présenter leurs médailles. « C’est un rêve qui devient réalité », s’est exclamée Winfred Yavi. « Cette victoire signifie beaucoup pour moi et pour le pays. »
Autre participante qui a ébloui le public : l’iconique Kaylia Nemour, qui, du haut de ses dix-sept ans, a offert à l’Algérie la médaille d’or en gymnastique artistique aux barres asymétriques. La gymnaste franco-algérienne, qui avait précédemment concouru sous les couleurs tricolores, a cette fois rendu hommage à son autre pays de façon magistrale. Exécutant ses mouvements avec puissance et assurance, elle semblait en parfaite harmonie avec le rythme de sa chorégraphie. Le moment bouleversant où, les larmes aux yeux, elle découvre son classement final restera gravé dans les mémoires. À ses côtés, la boxeuse Imane Khelif a également apporté une médaille d’or à l’Algérie.
Au-delà des exploits des sportives citées, il faut saluer le courage des héroïnes de l’ombre, telles que Nigara Shaheen. Ne pouvant concourir sous le drapeau de son pays natal, cette judoka afghane n’a pas laissé le régime taliban mettre fin à ses rêves. Arborant une chevelure indomptable et un sourire contagieux, Nigara Shaheen est une personnalité influente. Ses douze mille abonnés sur Instagram suivent régulièrement ses publications inspirantes. Lors d’un entretien, elle a partagé son expérience olympique : « Mon parcours doit redonner espoir à toutes les petites filles afghanes ». Ce message fait écho au hashtag #LetUsExist lancé par la taekwondiste afghane Marzieh Hamidi, dans le cadre de la lutte contre l’apartheid de genre qui pèse sur Kaboul. « Je vous invite tous à soutenir les femmes afghanes et à combattre l’injustice qu’elles subissent », écrit Hamidi sur X. Espérons que, quelque part dans le pays, leurs voix soient entendues et relayées par les sportives de demain.
De la douleur à la victoire : quand le sport devient un acte de résilience
Cet élan d’espoir se propage également parmi les réfugiés présents dans la compétition. Le taekwondiste iranien Hadi Tiranvalipour qualifie sa famille olympique et lui-même de “ceux qui n’abandonnent jamais”. Cet adage résonne jusque dans les cœurs de la délégation israélienne. L’État hébreu, encore ébranlé par le douloureux mois d’octobre 2023, est parvenu à surmonter sa peine et s’est illustré dans de multiples disciplines : judo, gymnastique artistique, planche à voile… Les sept médailles remportées lors de cette édition constituent la meilleure performance olympique jamais atteinte par Israël. Parmi les lauréats, le nom de Tom Reuveny retient l’attention. Il a décroché la première place du classement en planche à voile. Au large de Marseille, le navigateur a hissé les couleurs bleues et blanches de son pays, rappelant à certains égards l’épisode historique périlleux de l’Exodus. En 1947, ce vieux bateau panaméen, parti du port de Sète avec près de cinq mille rescapés d’Europe centrale à bord, avait difficilement pris la direction de la terre sainte pour y construire une nouvelle vie. Cette médaille d’or remportée en mer symbolise aussi la résilience d’un État toujours hanté par le souvenir des onze membres de sa délégation, enlevés puis assassinés par le groupe terroriste Septembre noir lors des Jeux Olympiques de Munich en 1972. Cette année, la délégation israélienne a affiché un sourire radieux tout au long de la compétition, repartant comblée par les triomphes de ses athlètes et par l’atmosphère chaleureuse qui a enveloppé cet événement sportif tant attendu.
À vos marques, prêts, gagnez. Mais la véritable victoire que chacun poursuit n’est pas faite de plomb ou d’acier. Elle incarne l’accomplissement d’une “diplomatie du Ping-Pong”, autrement dit la coopération harmonieuse et constructive entre les pays d’un même continent.
Sources :
Franc-Tireur n°144
https://www.herodote.net/10_juillet_1947-evenement-19470710.php
https://www.moretoherstory.org/reporting/afghan-athlete-marzieh-hamidi-launches-letuslive-hashtag
https://www.lhistoire.fr/les-premiers-jeux-olympiques