Le Technion : La Réalisation d’une Utopie

Le Technion : La Réalisation d’une Utopie

Sur les hauteurs de Haïfa, le savoir et l’innovation surplombent la côte. L’institut technologique du Technion, édifié sur le flanc du mont Carmel, couvre à la fois le secteur de la haute technologie, de la médecine et de la défense. Ce “MIT” Israélien ne veille pas seulement à assurer la prospérité du pays, son ambition est bien plus large.

Distinguée comme l'une des 100 meilleures institutions dans le Classement de Shanghai, le Technion est un bastion de l'excellence académique. Avec un impressionnant ensemble de 60 centres de recherche, l’institut attire annuellement plus de 14 000 étudiants en quête de connaissance et d’expertise. Aujourd’hui, le Technion est mondialement reconnu pour ses réalisations.

Une renommée d’autant plus renforcée par l'attribution du prix Nobel de chimie à trois de ses chercheurs en 2004 et 2011. Qu’il s’agisse de capturer la lumière, prédire l’émergence des épidémies ou encore relever les paraplégiques à l’aide d’un exo-squelette robotique, c’est au Technion que les plus grands esprits scientifiques se rassemblent pour refaire le monde. Parmi eux: Amit Goffer, père de ReWalk Robotics, la célèbre informaticienne israélo-ukrainienne Kira Radinsky, co-titulaire de 10 brevets et classée dans le palmarès des 30 jeunes entrepreneurs de Forbes en 2015. 

Pierre angulaire de la Start-Up Nation, le Technion est un symbole d’ascension nationale et source d’inspiration. Quel est le secret d’un tel succès ? 

Les origines du Technion : “une construction durable pour le développement de l’humanité”

Comment bâtir une nation ? Un demi-siècle avant la proclamation de l’État d’Israël,  cette question travaille déjà les intellectuels Juifs du XXème siècle. Dans une Europe où l'antisémitisme sévit sous ses formes les plus virulentes, la nécessité de regagner leur terre ancestrale et d'y faire fructifier la connaissance humaine se fait plus pressante que jamais.

Lors du cinquième congrès sioniste en 1901, trois figures emblématiques - le philosophe Martin Buber, Chaim Weizmann, alors biochimiste, ainsi que journaliste Berthold Feiwel - portent à l’attention des participants le projet du Technion. La création de cet institut éducatif pour les ingénieurs jettera les bases d'un programme de promotion de la culture hébraïque et contribuera au développement de l'État à venir. 

Vingt ans ont passé et la vision des fondateurs d’Israël, portée depuis les salles de concert du Stadtcasino de Bâle, commence à prendre forme. Le Technion, une cité universitaire hors du commun, voit le jour grâce à l'implication de ses propres membres. L'architecte allemand et futur professeur Alexandre Baerwald, conçoit les plans de cette infrastructure novatrice.

En 1923, Albert Einstein en personne se rend sur le chantier ajoute sa participation en plantant le tout premier palmier. Le Technikum ouvre ses portes en 1924. Le promotion inaugurale compte 17 étudiants: 10 ingénieurs et 7 architectes, dont une femme. Cette première génération ouvre la voie à une pléthore d’ingénieurs civils, de scientifiques et d’architectes. 

Recevant le doctorat honorifique d’architecture en 1962, David Ben Gourion s’adresse aux étudiants de l’institut en ces termes: “Parcourez les quatre coins de notre pays, utilisez vos connaissances scientifiques pour bâtir la terre, construisez le Technion afin que ses enseignants et étudiants puissent édifier Israël : une construction durable pour le développement culturel et scientifique de l’humanité”. Le premier ministre de l’État Juif n’aurait pu trouver de mots plus justes. 

Un institut en expansion: le projet d’un centre technologique régional

À l’aube des années 2000, tous les regards se tournent vers le Technion. À travers le monde, les prouesses académiques du MIT israélien suscitent l’intérêt des prestigieuses universités internationales. Les partenariats se multiplient aux États-Unis, en Europe, en Asie, en Amérique du Sud et en Afrique. Le Technion est l'une des premières universités du Moyen-Orient à accueillir des étudiants issus de pays en développement.

Après avoir eu l’honneur de compter l'architecte et politicien nigérien Olorogun Felix Ovudoroye Ibru parmi ses élèves dans les années 1960, en 1998, le Technion diplôme son premier étudiant éthiopien en ingénierie agroalimentaire: Dr. Kebede Eshetu, et Dr. Abu Farich Award, premier étudiant bédouin en chimie.

Au début des travaux, lorsque les premiers bâtiments émergent dans l'immensité de Technion City, certains visiteurs se demandent pourquoi un pays aussi petit qu'Israël a besoin d'un campus aussi vaste. Dans son essai sur l’histoire du Technion, le journaliste Carl Alpert rapporte que le porte-parole de l’institut répond à ces interrogations en arguant que les architectes du site ne construisent pas seulement pour le présent, mais pour l'avenir, quand la paix sera établie au Moyen-Orient.

Le Technion deviendra alors un centre technologique régional, accueillant les étudiants de tous les pays voisins, qui contribueront à leur tour à l’amélioration du niveau de vie dans leur propre pays. 

Paroles utopiques ou performatrices ? En 1944, le ministre égyptien des Sciences visite l’institut dans le but d'encourager la coopération israélo-égyptienne dans le secteur de l’informatique. En 1995, la curiosité intellectuelle réussit une fois de plus à rapprocher Israël de ses voisins malgré la distance apparente qui les sépare. Une délégation palestinienne constituée d’experts en agriculture (PARC) et hydrologie (PHG) part à la découverte du Technion.

Le virage vers une collaboration scientifique semble se dessiner à l’horizon. Au delà des seuls desseins scientifiques, la concorde s’inscrit dans un projet architectural tangible. Telle est la réflexion de Madjad el Humud. En 1997, l’architecte jordanienne passe dix jours sur le campus dans le cadre d’une mission de construction:“Je ne suis pas venue pour parler de paix, mais pour la concrétiser”. 

“Que ceux qui continuent de s'opposer à la vie, à la lumière et à la paix échouent” - Hussein de Jordanie

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Le nombre d’étudiants arabes enrôlés au Technion a plus que triplé au cours de la dernière décennie, passant de 7% en 2010 à 22% en 2020. Parmi eux, 60% sont des femmes. Depuis 2006, le programme NAM promouvant l’excellence de la jeunesse arabe s’engage pleinement à faire progresser ces chiffres. Grâce à un entraînement intensif en mathématiques, physique, anglais et hébreu, NAM offre aux inscrits la possibilité de réussir leur parcours scolaire et d’accéder aux postes sélectifs des plus grandes entreprises israéliennes telles qu’Intel, TEVA ou Check Point. 

Les relations diplomatiques suivront toujours le rythme du progrès. En 1996, la British Technion Society décernait le Winston Churchill Award au Roi Hussein de Jordanie pour sa contribution à la cause de la paix au Moyen-Orient. Acceptant le prix sous un tonnerre d’applaudissements, le monarque, ému, considère l’assemblée avec intensité et prononce son discours. “Le Technion a été un phare du savoir dans notre région. Nous sommes conscients de ses grandes réalisations.

Nos frontières sont gardées par notre peuple, travaillant ensemble, pour s’assurer que la paix soit préservée pour les générations à venir. À ceux qui continueront de s'opposer à la vie, à la lumière et à la paix, je souhaite que toutes leurs tentatives de détruire ce que nous avons construit échouent.” 

Espérons que sa volonté soit exhaucée. 

Sources : 

Carl Alpert (1982), The Story Of Israel's Institute Of Technology, American Technion Soc.

https://www.technion.ac.il/en/history-of-the-technion/

https://technionuk.org/about-technion-uk/

https://www.technionfrance.org/news/larchitecte-de-letat-disrael

https://fr.timesofisrael.com/au-technion-la-qualite-de-lenseignement-et-non-la-discrimination-positive-fait-tripler-le-nombre-detudiants-arabes/

https://www.timesofisrael.com/israels-rewalk-snaps-up-alterg-for-19-million-in-profitability-push/

https://fr.timesofisrael.com/3-universites-israeliennes-progressent-dans-le-prestigieux-classement-de-shanghai/

https://www.gtiit.edu.cn/en/einstein.aspx