AlAlula : Comment l’Arabie saoudite mise sur la protection et l’ouverture de son patrimoine
Un site archéologique et naturel d’exception
Nichée à l’entrée d’une vallée désertique, entourée de massifs de grès ocre, rouge et d’oasis verdoyants, se dresse l’antique cité caravanière de Hégra. Système hydraulique, sanctuaires, nécropole monumentale de Madâin Sâlih creusée dans la roche, palmeraies à perte de vue…
Autant de vestiges qui témoignent, sur un territoire équivalent à la Belgique, d’une histoire fascinante et méconnue : celle de la civilisation nabatéenne dont le royaume s’étendait du Sinaï jusqu’à la rive ouest de la mer Rouge. Carrefour des routes qui reliaient l’Egypte, la Mésopotamie et les rives orientales de la Méditerranée, la petite sœur de Petra s’est développée et enrichie grâce à la captation de ses nappes phréatiques et au commerce de l’encens et de la myrrhe.
Voisin du royaume de Judée dont il connut un sort semblable - annexion romaine et effacement par un changement de nom -, le royaume nabatéen finit par disparaître au IIe siècle après J.-C. L’apparition de l’islam au VIe siècle éclipse Hégra au profit de la ville de Médine qui émerge alors comme centre culturel et religieux et attire, aux côtés de la Mecque, les flux de pèlerins. La monarchie saoudienne, gardienne des villes saintes, garde pendant des siècles l’existence du site secrète.
Dès 2008, en classant celui-ci au patrimoine mondial (le premier du pays), l’UNESCO en reconnait la valeur environnementale et culturelle de premier plan. Dans le cadre de son partenariat avec l’agence onusienne, la monarchie s’est engagée à partager avec la communauté scientifique son patrimoine archéologique et épigraphique, en invitant des chercheurs et des archéologues du monde entier à étudier la bibliothèque à ciel ouvert que constituent les inscriptions sur les falaises et les roches de Jabal Ikmah.
Financé en partie par la commission royale dédiée à cet effet, un vaste projet de conservation et de recherches a permis d’exhumer la progressive évolution des langues nabatéennes vers celle de l’arabe classique, favorisant une meilleure compréhension des échanges linguistiques et civilisationnels de l’époque. Dès lors, c’est toute une part de la mémoire du monde arabe préislamique avec laquelle les populations locale et mondiale sont invitées à renouer.
La « Merveille d’Arabie » comme emblème de la Vision 2030
AlUla est au cœur des ambitions de modernisation et de réforme économique de la monarchie. Il s’inscrit de plein pied dans la « Vision 2030 », portée par le prince héritier Mohamed Ben Salmane, dont il est un projet phare et un levier privilégié pour s’éloigner de la dépendance au pétrole, en misant sur un nouveau tourisme, laïc et tourné vers l’international.
En 2018, l’Arabie saoudite et la France signe leur premier accord intergouvernemental portant sur la création d’une agence spécialement dédiée au développement culturel et touristique d’AlUla : Afula.
D’après cette dernière, il s’agit d’« inventer une expérience touristique nouvelle, fidèle à l'hospitalité du monde arabe, à la fois culturelle (parcours archéologiques, musées), sensorielle (découverte des paysages grandioses, du désert, de l'oasis) et authentique (au contact de la culture locale) », tout en faisant du développement durable sa pierre angulaire : « AlUla aspire à devenir(…) un projet de référence en matière de développement durable, centré sur la préservation absolue de l’environnement, respectueux de l’histoire, des territoires et inclusif de la population locale. »
En effet, le changement climatique a eu un impact sur la biodiversité originelle du lieu, comme en témoignent les girafes, lions ou encore autruches gravées sur certains tombeaux : des espèces aujourd’hui disparues.
Le Sharaan (un hôtel de luxe confié à l‘architecte Jean Nouvel qui a déjà fait ses preuves avec le Louvre Abou Dhabi), des résidences d’artistes, la réhabilitation de la médina abandonnée dans les années 1980, un musée d’art contemporain partenaire du Centre Pompidou, des missions archéologiques, des transports innovants et écologiques, l’accueil de délégations d’entreprises…autant de réalisations et d’ambitions titanesques envisagées pour les prochaines années.
AlUla n’est pas qu’un emblème dont les potentialités servent au rayonnement national et au soft power saoudien. En mobilisant des acteurs multiples et engagés en faveur de sa renaissance, « la Merveille d’Arabie » est un exemple de coopération et de transmission, inspirant non seulement pour la région mais pour l’humanité dans son ensemble.
Sources :
AlUla, le trésor archéologique méconnu de l'Arabie saoudite.
L’Agence française pour le développement d’AlUla.
AlUla, l'oasis aux 7000 ans d'histoire.
Sharaan : Un projet hôtelier inédit par l’architecte français Jean Nouvel dans le désert d’Al-Ula.
Preserving Documentary Heritage in AlUla.
Documentary Heritage in AlUla.