La Tunisie en Couleurs : À la découverte du pays le plus mosaïque d’Afrique du Nord
La Mosaïque Tunisienne : Reflets d’un Héritage Multiséculaire
Ce savoir-faire apparaît aux abords de la Mésopotamie vers la fin du IVe siècle et se répand rapidement sur les côtes tunisiennes, où de nombreux artistes alexandrins viennent s’établir pour l’enseigner et le diffuser. D’abord adoptée par l’élite bourgeoise, cette nouvelle forme d’art pave les jardins, les séjours et les meubles des somptueux domaines ruraux de Sousse, Dougga ou Oudhna. À partir du IIe siècle après J.-C., l’ingéniosité des écoles de mosaïque suscite l’intérêt de la clientèle chrétienne pour orner les espaces sacrés et les stèles funéraires. Elle séduit également la communauté judaïsante de l’agglomération de Naro, très active entre la fin du Ve siècle et le début du VIe siècle après J.-C. Découverte en 1883, la synagogue de Naro était recouverte d’une somptueuse mosaïque formée de plusieurs panneaux figurés. Les reliques bigarrées extraites des tombes chrétiennes ainsi que de la synagogue de Naro sont aujourd’hui précieusement conservées au musée national du Bardo, qui renferme l’une des plus grandes collections de mosaïques romaines, byzantines, judéo-chrétiennes et arabo-islamiques. Installé dans l’ancien palais beylical, le Bardo est bien plus qu’un musée classique où trônent des œuvres froides et silencieuses ; ce haut lieu culturel déborde de couleurs, d’anecdotes et de styles artistiques propres aux diverses civilisations qui se sont succédées au fil des siècles.
Les Visages d’une Tunisie Caméléon : Héros et Dynasties Venus d’Ailleurs
Loin d’être stationnaires, les échanges issus des voyages, des conquêtes ou des alliances ont considérablement influencé le cours de l’histoire du pays. Ces interactions sont d’ailleurs mises en valeur par le musée, qui s’efforce de retracer le parcours des groupes ethniques et des figures emblématiques d’origine étrangère ayant contribué au grand édifice tunisien. Le territoire de l'ancienne Ifriqiya a, en effet, connu le règne de plusieurs dynasties étrangères telles que les Abbassides, les Almohades originaires du Haut-Atlas marocain et les Rostémides de Tahert (centre de l’Algérie actuelle). L’arrivée des Omeyyades en 670, sous la direction du lieutenant égyptien Okba Ibn Nâfi, a donné lieu à la fondation de Kairouan, considérée comme la première ville sainte du Maghreb. Ces occupations successives ont laissé des figures mémorables dans leur sillage. Des personnages légendaires peuplent le paysage militaire et politique de la Tunisie, parmi lesquels se distinguent le roi berbère Koceïla et la Kahena. Cette guerrière, juive ou chrétienne selon les interprétations étymologiques de son patronyme, serait venue de l’Est algérien pour poursuivre la résistance contre le califat omeyyade et aurait trouvé refuge dans l’amphithéâtre d’El Jem lors de sa dernière bataille.
Des Échos du Passé aux Vibrations Actuelles : Les Défis Multiculturels de la Tunisie Contemporaine
Hors du musée, que reste-t-il de ces communautés polychromes qui ont façonné le récit mythique de la Tunisie ? En 1856, on comptait une douzaine de milliers de chrétiens établis dans la capitale. En 2024, seulement 2 000 fidèles sont recensés. Cette minorité se compose de chrétiens européens, de chrétiens tunisiens et de migrants chrétiens d’origine subsaharienne. La population juive, qui était de 120 000 âmes en 1956, au moment de l’indépendance, ne compte aujourd’hui plus que 1 200 membres. En 2003, un tiers d’entre eux vivait dans la capitale et ses environs, tandis que le reste réside sur l'île de Djerba, où elle s’est installée il y a 2 500 ans. Malgré les défis contemporains en matière de sécurité et de représentativité, la communauté juive a connu la nomination historique de Renée Trabelsi en 2018, le premier ministre du Tourisme de confession juive, par Youssef Chahed.
Aujourd’hui, même les positions très controversées du président Kaïs Saïd en matière de politique migratoire et de tolérance religieuse n’ont pas réussi à altérer l’essence de la Tunisie, qui demeure profondément imprégnée de son passé multiculturel. Cela se reflète dans Radio Mosaïque, écoutée par plus de75 % des Tunisiens, selon les statistiques de Média Scan. Fidèle à son nom, Radio Mosaïque diffuse une musique internationale variée, allant de la chanteuse libanaise Nancy Ajram à Charles Aznavour, le célèbre auteur-compositeur franco-arménien, en passant par des artistes anglophones.
Le musée du Bardo n’est donc pas le seul à exposer des mosaïques. Bien que l'iconique panoramade l’alcôve de Virgile puisse toujours être admiré sur place, les amateurs d’art et les touristes devront explorer le reste du pays pour découvrir le patchwork culturel qui compose la Tunisie. En effet, chaque région contribue aux mille et un fragments d’un kaléidoscope historique qui définit la Tunisie d’Habib Bourguiba.
Sources
Bardo National Museum, Tunis
https://2009-2017.state.gov/documents/organization/132783.pdf
https://www.csactu.fr/la-tunisie-pays-des-mosaiques-par-excellence/
https://web.archive.org/web/20070502114736/http://www.magharebia.com/