Diet-éthique : se nourrir selon les préceptes de l'islam, du judaisme et du chrisitanisme
Alors que la farine de grillon vient d’être légalisée en Union Européenne, le Qatar réitère l’interdiction de commercialiser des insectes à l’intérieur de ses frontières. La raison ? À l’instar du judaïsme, l’islam en proscrit la consommation. À l’heure où la recherche de protéines animales alternatives, moins polluantes et bon marché montre que les pratiques alimentaires mondiales sont à un véritable tournant, un petit village de différentes communautés religieuses résiste encore et toujours à l’envahisseur. En 2022, le marché mondial des aliments casher a augmenté de 3,7% (taux de croissance moyen) tandis que la France devient le 4ème exportateur de viande halal dans le commerce international.
On ne peut faire abstraction de la place prédominante qu’occupe la nourriture pour les trois monothéismes. Pour comprendre l’obstination qui pousse les confessions à maintenir les règles alimentaires qu’elles ont toujours observées, il faut en comprendre le sens.
Tous à table ! Le rôle du repas pour les trois monothéismes
Avant d’inspecter le fond de nos assiettes, il convient de rappeler la symbolique du repas aux yeux des trois monothéismes. Communier, fêter, aimer… Le Lévitique, le Coran et le Nouveau Testament mettent un point d’honneur à souligner la dimension communautaire du repas. Chaque vendredi soir, les familles juives se réunissent allègrement autour de la table du Chabat. La cérémonie du Kiddouch, où l’on boit le vin, suivie de celle du motsi (où l’on fend le pain) unit à la fois les membres de l’assistance entre eux et à leur créateur.
Lors de la bénédiction du Kiddouch, on récite ainsi : “Tu es source de bénédiction, Éternel notre Dieu… Son Chabbat saint, Il nous l’a légué avec amour : commémoration de l’acte créateur…” (Genèse, 2,1-3). Ce lien indélébile est tout aussi présent lors de l’Eucharistie dans la communauté chrétienne qui rend présent son créateur par transsubstantiation (conversion du pain et du vin en corps et sang du Christ). “La multitude que nous sommes est un seul corps car nous avons tous part à un seul pain” (1 Cor, 10,17).
Règles de consommation et leur signification
On est ce que l’on mange. L’importance névralgique de la nourriture justifie l’attention particulière que lui porte la religion. Par le biais de l’alimentation, les textes bibliques et coraniques indiquent une ligne de conduite, une éthique à respecter. De fait, le terme Halal englobe bien au-delà des règles d’ordre strictement culinaire et comprend l’ensemble de nos actes et comportements. Il en va de même pour le judaïsme, auquel le Coran fait explicitement référence pour reconnaître la continuité des révélations alimentaires.
La casheroute se fonde essentiellement sur des métaphores qui ordonnent le monde. Par exemple, l’interdiction de mélanger les aliments lactés et carnés, que l’on tire du Lévitique, traduit la volonté de ne pas confondre la vie (associée au lait, à ce qui provient de la mamelle) et la mort (la chair inerte de la bête).
Un esprit saint dans un corps sain : importance de la santé dans la religion
Bien que la nourriture soit scrupuleusement étudiée dans chaque communauté, on aurait tort de réduire cette réglementation à une succession d’interdits ou à de l’ascèse. Comme il est écrit dans le Coran (XXIII) : “Mangez d’excellentes nourritures ! Faites le bien !” Dans la Torah, manger ne rime pas avec souffrance. D’après Maïmonide, la préservation du corps serait au coeur des principes de la casheroute. Dans le Guide des Égarés, le médecin séfarade du XIIème siècle expose les raisons rationnelles et médicales incitant l’application de lois alimentaires. Le sang, dont la consommation est prohibée dans l’Islam et le judaïsme, serait en effet vecteur de germes et propice aux maladies infectieuses.
La communauté adventiste prend également en compte la variable sanitaire. Recommandant de ne pas consommer les ingrédients contenant de la théine, de la caféine ou de l’alcool, cette branche issue du christianisme prône un modèle de vie sain que nombreux commencent à adopter.
Véganisme biblique, Halal Bio… La modernité à l’ordre du jour ?
Archaïque ? Loin s’en faut. Dans nos sociétés sécularisées, de nouveaux interdits sont diffusés au nom d’arguments louables mais qui frôlent la croyance. Le réchauffement climatique a notamment fait surgir le thème d’une consommation moins carnée, corrélée à l’émission de CO2. Selon un sondage Opinion Way, la consommation de viande aurait chuté de 12% en 10 ans. Les véganes d’aujourd’hui retournent sans le savoir aux origines bibliques. “Je vous donne toute herbe qui porte sa semence sur toute la surface de la terre” (Genèse). Tout laisse entendre que l’Éternel aurait d’abord orienté l’homme vers une alimentation purement végétarienne. Dans la Bible, ce n’est qu’après l’épisode du Déluge que la consommation de viande apparaît.
En attendant, les croyants continuent de conjuguer tradition religieuse et modernité. En 2013, la première boucherie halal bio ouvre ses portes en bordure de Paris. Avec un chiffre d’affaire de 6 millions d’euros, elle propose une large gamme de viande de choix, certifiée AOP, AOC. Bien qu’elle ait dû renoncer à son label BIO en 2019, en raison des nouvelles normes européennes liées à l’abattage rituel, cette boucherie continue d’accueillir une clientèle de plus en plus diversifiée. Décidément, la gastronomie n’a pas fini de nous surprendre !
Sources :
Les Nourritures divines, Olivier Assouly, éditions babel
https://www.massorti.com/Kiddouch-du-vendredi-soir
https://www.cairn.info/revue-histoire-monde-et-cultures-religieuses-2016-3-page-113.htm
https://fr.aleteia.org/2021/02/13/la-presence-du-christ-dans-leucharistie-est-elle-reelle/
https://www.businesscoot.com/fr/etude/le-marche-des-aliments-casher-france https://www.businesscoot.com/fr/etude/le-marche-de-la-viande-halal-france https://www.leparisien.fr/societe/la-viande-halal-ou-casher-peut-elle-etre-certifiee bio-18-06-2019-8096226.php
https://fr.wikipedia.org/wiki/Église_adventiste_du_septième_jour
https://www.revueconflits.com/veganisme-nouvelle-religion/